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Coup de cœur pour « Entropy » d’ATOEM

« Entropy » d’ATOEM, un coup de cœur Radio France
ATOEM © Titouan Massé

Vers l’infini et en deçà !

Dans la grande famille des musiques électroniques, rares sont les groupes qui, à l’instar des Daft Punk ou de Air pour les plus célèbres, envisagent leurs compositions comme un ensemble inspirant et cohérant au sein d’un même album telle la bande-son d’un film. ATOEM prend la relève avec son premier album Entropy

Le groupe nait en 2015 à Rennes de la rencontre de deux musiciens créatifs et inspirés. Antoine Talon, musicien autodidacte, tout d’abord guitariste puis claviériste, est un passionné de synthétiseurs qu’il conçoit, répare et modifie, l’entraînant à étudier les sciences mathématiques et physiques pour parfaire son art. À la recherche d’un batteur pour son groupe, il rencontre Gabriel Renault, percussionniste plus académique ayant suivi pendant 10 ans les enseignements de l’école La Flume à Le Rheu (Ille-et-Vilaine) autour des différentes facettes des musiques percussives. Avec la multiplicité des machines et synthétiseurs dans leurs compositions, les rôles de chacun se rééquilibrent et le groupe devient un duo « one heart, one mind », à l’orée d’une aventure qui va les mener au-delà de ce qu’ils pouvaient prévoir.

Alors que le rock psychédélique des années 60-70 porté par les Pink Floyd, Led Zeppelin ou The Doors va façonner l’ambiance dans laquelle le groupe va s’inscrire, c’est la vague New Wave, menée par Depeche Mode, New Order, Moroder ou Kraftwerk plaçant le synthétiseur au centre de la musique, qui va articuler la colonne vertébrale du projet. L’utilisation les arpeggiators, suites de notes mises en boucle qu’on retrouve dans l’italo disco présents chez Moroder, Sébastien Tellier ou François de Roubaix, confirme que le syncrétisme des influences diverses du groupe a créé l’ADN de sa musique : elle sera électronique et organique.

Le duo se lance sous l’alias ATOEM, un nom qui recèle plusieurs de leurs références, la première à l’album Atom Heart Mother des Pink Floyd sorti en 1970 dont le titre phare dure plus de 23 minutes avec une approche expérimentale du son chère au groupe, ainsi qu’à la physique quantique dont les atomes sont un élément essentiel.

Enfin à l’égyptologie, une autre passion du duo, par Atoum, une des premières divinités égyptiennes, démiurge qui façonne la matière depuis sa pensée, faisant appel à notre propre pouvoir créateur, nourrit par l’intentionnalité engendrée par l’activité de notre système réticulaire générateur d’expériences.

ATOEM prouve effectivement que c’est en se souhaitant le meilleur qu’il advient lorsqu’en 2019 le duo se fait repérer par Jean-Louis Brossard, directeur du mythique festival des Trans Musicales de Rennes. D’abord programmé à la salle de l’Etage en plein après-midi, le duo demande, au culot, à ce que sa musique occupe un créneau plus approprié : c’est ainsi qu’il se retrouve à 5 heures du matin dans l’immense halle 9 face à 7 000 festivaliers qui contribueront à les révéler, enchaînant par la suite les concerts et se faisant également repérer par d’autres dispositifs de révélation de l’émergence musicale comme le MaMa festival à Paris ou les INOUIS du Printemps de Bourges.

A contre-pied du milieu électro habituel, c’est le downtempo, aux rythmes naturels lents aux alentours de 85 à 125 BPM, qui fait l’originalité d’ATOEM en plongeant son public dans une danse sensuelle se transformant en transe dont les sonorités s’accélèrent au fil du live jusqu’à devenir un set électro dynamique. Cette évolution s’entend aussi dans les influences stylistiques qui le composent, d’abord par l’électronica puis par une dance planante et enfin par l’acid, toujours en y incluant des sons organiques sous formes de voix, guitare et percussions qui apportent groove et chaleur à sa musique.

Une ambiance qui tranche avec les sons plus feutrés de ce premier album où le synthé s’impose, à la fois planant et énergisant. Car ATOEM s’est doté d’un instrument essentiel qu’il a lui-même conçu, un synthétiseur modulaire créé de toutes pièces par Antoine Talon alors étudiant en master d’électronique. Depuis, le duo ne s’est jamais séparé de cette incroyable machine DIY qui permet de moduler le son avec d’infinies possibilités puisque la musique s’y autogénère constamment, la machine pouvant même parler toute seule, représentant ainsi une objectisation d’Atoum par lequel l’instrument, totem de lumière et de sons autonomes, prend une allure de divinité quasi religieuse.

Deux EPs sont nés ces dernières années, Ruins en 2017 et Voltage Controlled Time en 2018, dont les titres inscrivent le duo dans une cosmogonie créative et les reliant de fait, entre mythologie, sciences et capacités illimitées de créativité à la spiritualité.

ATOEM poursuit son exploration musicale avec son premier album Entropy, sorti le 22 septembre 2023 chez Yotanka records, label nantais fondé par Vivien Gouery. Encadré par une solide équipe de professionnels dont son manageur Joran Le Magueresse et le tourneur Wart, le groupe, accompagné en résidence par l’Antipode à Rennes rayonne d’une superbe tournée.

L’entropie évoque le degré de désordre d’un système. Par les nombreuses références au cosmos, ces fantômes du passé que sont les étoiles qui parviennent jusqu’à nous par leur lumière, conjuguées à la matérialité de notre monde en alchimisant ainsi l’infiniment grand au plus petit, ATOEM pose le décor de son album. Telle Alice au pays des Merveilles, survient alors le basculement de nos croyances et de nos perceptions en franchissant une porte magique dans Under the Void, "It’s time, Get through the portal with me, I wanna see you around".

Comme le secret d’une ouverture à un plus grand tout, revenir d’abord à la confiance en soi depuis son souffle primordial dans Summer’s Grave, "Hang in there, catch your breath and puff up your chest", puis par son implication dans des préoccupations terrestres, "The only thing you got to trust in is your minor concerns" détachée du contrôle d’un plus grand but, "The only humans she believes in are preachers, I know I can’t reach her, I’d better leave". ATOEM nous invite à plonger en nous-même pour mieux nous vivre dans le vaste monde.

Puis, dans Ride on Time, se voir comme une partie de cette vie que nous co-créons ensemble, "The world is looking at you" afin d’aller au-delà d’un monde logique "Fly over the rational spaces" pour vivre ses rêves "Your dreams are brand new", est une autre étape de notre réalisation individuelle qui ne peut que se faire lorsqu’elle est rattachée au collectif.

Uprising expose ce qui advient quand ces étapes ne sont pas respectées, "Close to the doors of lies, From bad to worse over time" où seul le chaos né de nos aspirations contradictoires remet de l’ordre "When hope and distress make only one, Hear us coming after sighs, insurrection is on the rise" afin que naisse l’entendement générateur de vie. 

En épilogue de cet opus de 14 titres, Les Couleurs du Son, le dernier morceau d’Entropy, porte un hommage synesthésique à la combinaison de nos perceptions. Tel l’aphorisme du philosophe Hölderlin « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » repris par l’astrophysicien Hubert Reeves qui explique que les lois de l’univers, à priori immuables, s’ajustent imperceptiblement pour produire la vie qui ne connaît que l’expansion, la phrase chantée en feat par NVVN, « l’amour est un poison, Fatale, toi la flamme, Tranche par la raison », contient aussi son antidote : l’amour est guérisseur quand il naît de notre cœur et non de notre mental. La fatalité n’a alors plus de sens. Telle une métaphore de la rigidité et la froideur électronique adoucie par les courbes de l’analogique et l’organique, le monde d’ATOEM s’épanouit, né de ses antagonismes, préfigurant des jours meilleurs. 

Découvrez les derniers clips d’ATOEM réalisés par Antonin Sohier et Baptiste Chevalier

Sinking Ocean d’ATOEM sur YouTube 🔽

Uprising d’ATOEM sur YouTube 🔽

► La tournée d’ATOEM se poursuit dans toute la France :  

  • Le 11 octobre à Nantes, Stereolux (complet) 
  • Le 12 octobre à Clermont-Ferrand, La Coopérative de Mai 
  • Le 26 octobre à Paris, Trabendo  
  • Le 27 octobre à Tourcoing, Le Grand Mix 
  • Le 9 novembre à Strasbourg, L’Espace Django 
  • Le 10 novembre à Nancy, L’Autre Canal 
  • Le 11 novembre à Lyon, Les Subs 
  • Le 1er décembre à Agen, Le Florida 
  • Le 15 décembre à Metz, La Bam 
  • Le 16 décembre à Angers, Le Chabada

► Suivez ATOEM sur FacebookInstagram et sur son site atoemmusic.com 

Radio France tout au long de l’année accompagne la vitalité de la scène et de la production française. Nous revendiquons notre rôle de soutien et notre capacité à inventer tous les jours de nouveaux dispositifs pour faire vivre cette belle exception culturelle française

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