Exil, l’éveil du loup
Si la jeune chanteuse rennaise Tallou capte toute l’attention, son projet éponyme est pourtant un duo qu’elle forme avec son ami, compositeur et producteur Tom Clément. Passionnés de musique, ils se lient d’amitié sur les bancs du lycée et scellent leur complicité avec ce groupe créé en 2021 qu’ils investissent avec la même intensité.
De son enfance en Guyane où elle nait il y a 23 ans d’un père nigérian et d’une mère bretonne, Tallou garde comme fil conducteur la musique, omniprésente au foyer, entre Idir, Léo Ferret et Jacques Brel. Des chanteurs emblématiques qui ont donné à la petite fille le goût des mots choisis et des interprétations fortes. Au gré des mutations de ses parents professeurs, elle déménage à Tahiti et, comme ses frères aînés, suit des cours de solfège et de guitare tout en s’entraînant à chanter en cachette. Son adolescence, elle la vivra en Bretagne, près de Dinan avant de poursuivre ses études de kinésithérapie à Rennes. En cela, elle suit les traces de son frère Josia qui chante en parallèle de sa profession d’orthodontiste, ce qui encourage Tallou à se lancer dans la musique tout en jonglant avec ce métier du soin dans lequel se nouent avec ses patients de précieuses relations humaines. Entre passion et réalisme, Tallou se développe en équilibre, explorant sa sensibilité au travers sa créativité tout en gardant les pieds sur terre.
À l’image de ses propres morceaux en clair-obscur, ses inspirations musicales sont percutantes -Disiz la Peste, Tuerie, Swing ou Bonnie Banane- autant qu’élégantes avec les voix chaudes et envoutantes de Shade ou de Tens. Leur faisant écho, son timbre grave néo-soul légèrement rauque, d’une grande classe, s’harmonise avec les compositions sur-mesure de Tom Clément épris de sonorités organiques qu’il parsème poétiquement dans sa musique hip-hop soul alternative aux influences rap.
Côté live, en formule duo ou enrichie des musiciens Théo Besnard aux claviers et Youn Lebreton au saxophone sous le nom de Tallou et les Monstres, le groupe a bénéficié de l’accompagnement artistique Horizons mutualisé entre l’Antipode, le Jardin Moderne et le 4 bis qui lui a ouvert les portes de résidences et de programmations sur ces trois scènes. Repéré en région par le jury de présélection des Inouïs du Printemps de Bourges en 2022, Tallou enchaîne par la suite des concerts dans les festivals Mythos, I’m from Rennes et en tant que 1ere partie de I Am, Vacra ou Youv Dee sans oublier la Boule Noire complète à Paris à l’automne dernier. Elle vient de se produire en finale du Tremplin V and B Fest’, élue face à 2 000 participants et chantera cet été lors du festival aux côtés d’artistes confirmés. Le projet a aussi séduit l’oreille de Vlad Productions qui le signe, dès le second EP, sur son label Foudrage (Dude Low, Freak It Out, Le Lou…) piloté par Ronan Junca. Tallou, bien entourée, prend en assurance et modèle son image : longs dreads blonds ou cheveux mousseux, make-up glamour, la jeune femme s’amuse avec les codes de la féminité et construit peu à peu son identité.
Après la sortie des deux premiers EP Rose Nuit en 2021 et Sous le Lit du Monstre en 2023 qui explorent les affres du rapport à l’autre dans les chagrins d’amour et les relations toxiques, vient de sortir le 14 juin 2024 chez Foudrage le dernier opus de cette trilogie, Exil, qui s’ancre dans la quête de soi à travers son rapport à la solitude. Pour l’accompagner, un clip conçu comme un court métrage onirique guidé par la voix du rappeur parisien Sage Pee, tel le narrateur d’un conte qui englobe les précédents projets dans une boucle temporelle.
Car les éléments du mythe sont bien présents au sein des 7 morceaux (chiffre magique...) de cet EP où règne l'obscurité éclairée par la lune, guide bienveillant Plus je m’isole, plus je parle à la lune, Comme des phares qui éclairent la brume (Loin de Vous), un repère immuable Quelquefois la lune se perd et j’ai croisé les doigts, J’ai tellement détesté mes nuits sans elle, J’veux briller tous les soirs (Le Tambour de la Machine) que Tallou personnifie, à l’image d’une mère, “Ce soir-là, dans le vacarme du silence, La lune face à la fille se moque, Sèche tes larmes d’enfant” (Santé Mentale). Cette dualité parentale, “J’pense à maman quand faut faire des choix, J’pense à papa qui a fait tout foiré” (Le Tambour de la Machine) où la lune reflète le féminin, s’incarne aussi dans le soleil, symbole paternel qui encourage l’indépendance, “J’ai peur de moi, J’ai besoin de changer, Qui guidera mes pas ?” (Qui est là), en laissant place à la confiance en sa bonne étoile, “Il n’y a plus de soleil quand on quitte l’enfance, Ma route s’écrira sous une étoile” (Le Tambour de la Machine), sa destinée.
Mais les souvenirs obscurs sont autant de pièges. Comment devenir la femme adulte, responsable de ses choix et non plus victime de ses traumas, “Y’a du bien dans mes défaites, Mais j’me vois pas y retourner” (Qui est là) ? Epilogue de sa quête initiatique en trois EP, Exil raconte l’émancipation d’une petite fille devenue grande “J’ai compris mes doutes, je fuis la déroute, Loin de vous, le temps m’appartient, J’ai pris la route, j’suis à ma merci“ (Loin de Vous). Alors que dans ses deux premiers opus, Tallou traquait les monstres qui rôdaient alentours, elle conclut cette trilogie en maîtrisant ses propres démons. Quand c’est elle qui choisit de le faire hurler à la lune, “Comme un loup, Je m’entends crier comme un loup, Comme un loup” (Qui est là), Tallou n’a plus peur du loup. Elle est le loup.
▶️ La Rose, les Monstres et l’Exil, une trilogie présentée comme un court-métrage 🔽
▶️ La chanson Petite flaque jouée par Tallou et les Monstres en live à l’Antipode 🔽
■ Retrouvez Tallou prochainement en concert :
- 28/07/2024 : Zeco Festival à Clohars-Fouesnant (29)
- 10/08/2024 : Festival A Bruit Clos à Passais (61)
- 23/08/2024 : V and B Fest’ à Château-Gontier (53)