« La Conversation » de Lenparrot : less is more
Recommandé par Marjorie Rousseau, déléguée musicale nord-ouest
Actif sur la scène pop avec ses précédents groupes Rhum for Pauline et Pégase, c’est en 2014 que Romain Lallement créé son premier projet solo, Lenparrot. Ce nouveau départ s'illustre par la sortie d’un EP l’année suivante puis d’un album au style pop baroque en 2017, And Then He, et, revenant au RnB’ de ses débuts, par Another Short Album About Love en 2020.
Au fil des ans, on découvre chez Lenparrot un artiste discret à l’élégance sans ostentation qui lui confère un magnétisme troublant. Pas étonnant qu’il tienne son nom du premier album de Baxter Dury, Len Parrot's Memorial Lift tant leur charme distancié ponctué de traits d’humour fin et leur profonde voix grave les rend so sexy.
Après une période de Covid difficile, du point de vue relationnel mais inspirante pour l’écriture des textes, Lenparrot affine son style dans une bedroom pop épurée et contemplative dont l’apparente légèreté masque les abysses. Son troisième album, La Conversation, sorti le 4 octobre 2024 chez Futur Records, marque un tournant en levant le voile pudique posé jusque-là sur son intimité par l’usage de l’anglais. C’est l’influence de ses amitiés et collaborations, cooptées par Cléa Vincent comme Fishbach, Juliette Armanet et Michelle Blades, qui poussent peu à peu Romain vers sa langue maternelle. Sa connexion profonde avec François Marry (François and the Atlas Mountains) que l’on retrouve en featuring dans le morceau Albi et son admiration pour l’œuvre de Stereolab lui ôtent encore quelques doutes. Enfin, ses premiers essais francophones avec les titres Quoi et Paladines entraînent des encouragements à la persévérance venant de Julien Gasq et de Dominique A, dont Lenparrot avait repris en 2021 sa chanson Va-t’en lors d’une soirée hommage à Stéréolux. Il peut y avoir en effet une certaine appréhension pour un artiste sensible à se confronter directement à l’émoi qu’il suscite jusqu’au miracle de ressentir l’impact des mots qui touchent leur public en plein cœur. La Conversation, avec son écriture sans fards dont la simplicité n’est qu’apparente, exhume des émotions autrefois enfouies et désormais assumées.
Au sud de la France, dans les Corbières, se niche une ancienne bergerie transformée en studio d’enregistrement et en confortable résidence d’artistes. C’est là que Romain s’est posé quelques mois, de février à mai 2022, arrivé avec une dizaine de morceaux en poche. Les paysages environnants arides mais sereins, écrasés de soleil, ont probablement déteint sur ses phrases douces en quête de lumière. La composition de l’album s’y est faite au rythme de l’inspiration, aidé de collaborateurs qui ont transformé cette épopée solitaire en aventure communautaire. Aux côtés de Romain Lallement, au piano et aux rhodes, se tient Nina Savary aux chœurs, Vincent Pieuvre aux synthés, à la basse et à la guitare, et le producteur Emmanuel Mario à la batterie, au mix et aux arrangements. Pour Romain, il représente étonnamment le plus britannique des producteurs hexagonaux à même de réaliser un album entièrement en français. Tous accueillent et enregistrent des artistes depuis quelques années dans ce lieu hors du monde, beau et calme. Loin du stress, d’horaires imposées et couteuses de certains studios, à La Bergerie, tout le monde s’affaire dans ses tâches sans pression et avec un vrai sens du collectif, jusqu’à la préparation des repas pris ensemble.
Au travers cette nouvelle famille de cœur, Romain comprend que la vie ne souhaite pas notre solitude, bien au contraire. Il retrouve l’importance de rendre grâce à chaque présence jalonnant sa vie, même si la fin de relations créée par la rupture d’avec sa compagne ou les décès de sa grande tante adorée et de son inspirant grand-père a été douloureuse : "Il faut sourire à certaines peines, laisser mourir, ne pas retenir que l'on ne s'appartienne" (Sable). Les fins deviennent des préalables à de nouveaux départs en gardant les bons souvenirs et en reléguant l’absence de certaines réponses aux oubliettes, précédant nécessaire au fameux lâcher-prise qu’est l’acceptation, dernière étape de tout deuil : "Etions-nous distants ? Comme de temps en temps, un geste embarrasse, et c'est en silence, que guérit qui comprend" (La Légèreté). Lenparrot expérimente donc une mutation partant du passé où il posait ses textes légers sur une musique sombre en se proposant au présent une plus grande profondeur nimbée de légèreté, gardant comme un mantra sa quête de la joie.
L’héritage du passé, assimilé au présent, honore aussi sa filiation gainsbourienne dans Marguerite ou celle provenant de l’album culte de Dominique A La Fossette comme dans Louisa en Hiver rappelant Sous la Neige. La réserve, les déductions projetées sans le dire, l’impression de quiproquo récurrente dans un couple où chacun vit dans son propre monde, condamné à des questions sans réponses, prennent alors leur place aux dépends de la communion. Mais cette chanson est aussi celle qui rapproche les amoureux : "L'orage nous berce, et sous l'averse, je te serre contre moi, tout contre moi" car parfois aussi, les mots scellent par leur absence l’union des cœurs.
En se dépouillant de tout artifice, en se départissant de toute justification, la sobriété des textes de Lenparrot composés avec soin en français, illustrent paradoxalement cet aphorisme anglais : less is more.
▶️ Le clip d’En plein air tourné aux Sables-d’Olonne 🔽
▶️ Les paroles de Sable 🔽
▶️ La Conversation, chanson phare de l’album 🔽
■ Vous retrouverez le groupe booké par les Tontons Tourneurs en concert, avec, aux côtés de Lenparrot, son backing band composé d’Arianna Monteverdi aux claviers et à la guitare, de Francis Lung à la batterie et d’Antonin Pierre :
- Le 7 novembre à Paris (75) en showcase aux Ballades Sonores
- Le 16 novembre à Poitiers (36) au Confort Moderne
- Le 30 novembre à Nantes (44) pour la release party à Stéréolux
- Le 15 janvier 2025 à Paris (75) au Point Ephémère
■ Lenparrot à suivre sur Instagram, Facebook, YouTube et à écouter sur SoundCloud