Coup d'œil pour « À l’aide » de Nerlov

« À l’aide » de Nerlov, un coup d'œil Radio France — Nerlov © Christophe Martin

À L’aide, le cri silencieux du monde

La terre angevine recèle décidément bien des pépites. L’une d’elles se nomme Nerlov et ne cherchez pas son nom de baptême, ce chanteur un brin mystérieux aime se faire appeler uniquement par ce pseudo à la scène comme à la ville.

Ceux qui l’ont déjà découvert en concert se sont laissé surprendre par sa dégaine de boxeur, short large, chaussettes hautes, posture de garde, genoux pliés et air fight prêt à toucher un adversaire invisible entre deux couplets. Et puis sa langue, sortie d’entre ses lèvres comme celle d’un animal débonnaire annulant toute velléité guerrière. Un contraste que cultive Nerlov, lui qui, s’il chante l’amour, le fait en semblant s’en défendre et paraît exulter dans des chansons aux paroles dont la candeur exalte la franchise où il se place en fin observateur de l’hypocrisie sociale. Car Nerlov utile sa botte secrète, le cynisme joyeux, comme une arme imparable : impossible de résister à son sens de la fatalité couplée à son humour parfois cinglant, venant révéler nos travers avec une tendresse bonhomme.

Avec ce décalage certain cet OVNI de la pop française a marqué les esprits à plusieurs reprises par ses live qu’il partage sur scène avec le batteur Simon Garnier, notamment lors des INOUÏS du Printemps de Bourges en 2022, des Bars en Trans et du MaMa Festival l’année précédente, encadré par l’Equipe Espoir du Chabada d’Angers, managé par Anthony Audebert d’Ogust Music et accompagné pour le tour par L’Igloo Production.

C’est qu’il tient bon sur le ring de la chanson française, cet endurant Nerlov qui a persévéré en nous offrant deux rounds de grande qualité sous forme d’EP, Je vous aime tous en avril 2020 et Prophéties en octobre 2021 et 3 featuring cette année, l’un « DPT » avec Magenta, un autre plus sensuel, le duo « Même si » avec Joanne O Joan et le dernier, « Le Vent » avec Chahu qui collabore activement avec lui et dont le dernier EP, Fini, est un coup de cœur Radio France.

Le 3ème round sonnera la cloche du winner au printemps 2024 pour la sortie attendue de son tout premier album sur le label Wiser Records.

En attendant ces réjouissances, un cri du cœur est lancé depuis ce printemps avec le single À l'Aide écrit et réalisé par Nerlov et Atom avec Pierre Cheguillaume en aide additionnelle pour l’arrangement. Cette chanson, dont les paroles résonnent d’appels qui ne cesseront pas tant que vivre chez soi est impossible, est illustrée d’un clip qui semble prendre le contre-pied du texte et pourtant… À partir d’images d’archives personnelles capturées au début des années 90 par Jean Olmédo et montées par Josic Jégu (Chahu), Morgan Richard et Nerlov lui-même, le chanteur créé le parallèle avec ceux qui doivent eux aussi courir et traverser terres et mers pour gagner un havre de paix.

On y découvre les insouciantes festivités d’un village du Maine-et-Loire où Nerlov a vécu petit à travers la folle course d’anthologie des « 6h du solex de Fougeré » encore vivace dans les mémoires. S’y glissent, pour lui, des personnages fondateurs de son entourage familial et amical, Tonton Jean-Luc, Magali, Johnny et même sa Mamicette dansant à perdre haleine pour un deuxième clin d’œil aux mamies de sa vie, Mamie Paulette figurant dans le clip de DPT et -spoiler alert !- Manou dans le prochain single qui sortira cet automne. Même le jeune Nerly s’y trouve sur scène comme un présage, petit garçon alors bien inconscient de sa future médiatisation d’adulte.

S’y présentent, pour nous, des images nous rappelant des souvenirs communs à cette époque, des scènes de banquets conviviaux où parfois la fatigue pointe entre deux éclats de rire, de manèges de fêtes foraines étourdissants, de soirées DJ’s de variétés et de chenilles décomplexées, de défilés militaires, de danses traditionnelles, de liesses populaires dans les cafés ou sur le podium arrosant les vainqueurs de la course. On y retrouve ce qui cimente un sentiment d’appartenance à un territoire, un terroir, un voisinage ou des amis au travers de valeurs communes que sont les bons repas, la danse, le rire et la confiance d’être ensemble en sécurité. Il nous rappelle l’importance du bien-vivre ensemble, nous qui ne nous sommes pas forcément choisis et avons été amenés à partager un même lieu par héritage, habitude, choix ou contrainte et à faire de notre tolérance un terreau fertile de joie, de créativité et de paix.

Au cœur de ces soirées d’été, occupés à resserrer nos liens, notre insouciance peut-elle verser dans l’indifférence, celle qui ignore la détresse d’autrui qui vient pourtant rappeler que tant que nous n’y répondons pas nous restons insensibles à notre propre humanité ? Comment peut-on faire cohabiter en nous la culpabilité et la honte sourdes qui en découlent et viennent pourrir notre rapport au monde face à notre aspiration à vivre vis-à-vis de nous-même et des autres en harmonie ? En accueillant l’altérité, en étendant notre reconnaissance d’autrui comme un autre soi, cesse pourtant toute division intérieure et extérieure : nos oreilles se débouchent et l’entente revient.

"J’admets que je ne suis pas rassuré en mer. Tant pis je prends la fuite, moi je fais pas la guerre" Qui sont ces inconnus qui quittent leur terre, leur maison, leur famille, leurs amis, leurs souvenirs, leurs traditions rassurantes pour partir se risquer avec courage vers l’inconnu voire vers la mort ? Des êtres humains comme nous qui viennent chercher le droit à vivre leur existence avec dignité.

"Je ne sais pas qui c’est, je ne le saurai jamais, mais je l’entends crier, à l’aide !", et si nous aussi étions contraints de nous exiler pour fuir l’intolérable, qui saurait nous venir en aide ?

Dans la dernière vue subjective d’un bateau de sauvetage hors d’atteinte pointe l’espoir que quelqu’un entende le cri silencieux du monde auquel Nerlov prête sa voix.

"J’ai peur mais je me tais, à l’aide !"

► Son dernier clip À l'aide, monté à partir d’images d’archives  🔽

► Nerlov sera en concert cet automne :