C’est l’histoire d’une ville où les snipers font joujou avec les civils, où les blousons ensanglantés jonchent les rues, où l’on défaille à la vue d’une boîte de corned-beef. Mais où l’on tombe amoureuse aussi, quand on a 14 ans, l’âge d’Anne Franck. Et celui de Polina en 1999, lorsque débute la deuxième guerre de Tchétchénie.
Dans son journal intime, l’adolescente raconte Grozny sous les bombes. Polina Jerebstova, 29 ans, publie pour la première fois hors de Russie son journal. Ce témoignage unique sur la guerre de Tchétchénie a provoqué la colère du régime de Poutine. Née en 1985 à Grozny, Polina Jerebstova se considère comme une Russe de Tchétchénie. Elle a bénéficié du soutien d’Alexandre Soljenitsyne pour publier son journal en 2011. Sa sortie a provoqué des débats violents en Russie. Le régime de Vladimir Poutine et ses partisans ne sont pas prêts à reconnaître les crimes commis par l’armée russe dont témoigne Polina. Menacée de mort, elle a dû fuir Moscou. Elle vit aujourd’hui en exil en Finlande, où elle a obtenu l’asile politique.
Des extraits du livre Le Journal de Polina, lus par une comédienne, ont été diffusés sur France Culture dans l’émission «La vie moderne», (du 30 septembre au 11 octobre 2013 de 11h50 à 12h).
Extraits : 29 décembre 2000. Les combats font rage ! Un feu d’artifice mortel. Des lingots incandescents rouges sang se détachent sur le fond gris du ciel. Les obus sont blancs et orange. Les balles «dorées» scintillent. Il y en a pour tous les goûts ! La guerre a-t-elle recommencé ? (…)
13 mars 2001. Dans Sotnikov, deux amis partisans essaient de sauver leur vie mais ils sont faits prisonniers par les fascistes. Après de nombreuses épreuves vécues ensemble, l’un des deux trahit son camarade. Il participe à l’exécution par pendaison de son ami : il retire le tabouret sous ses pieds. Même le bourreau fasciste est étonné en voyant cela et s’exclame : « Tu es une sacrée ordure !». Et l’homme qui vient de tuer son ami passe à côté des fascistes en pensant : «Tout ce que je veux, c’est vivre !». Il se passe la même chose aujourd’hui. L’âme humaine ne change pas. Il y a toujours en elle une place pour l’amour de soi et une place pour la peur devant le visage de la mort. (…)
À sa parution en Russie en 2011, Le Journal de Polina a fait l’objet de critiques très violentes. La Ligue nationale russe, les chaînes de télévision publique, mais aussi de manière plus surprenante une association de défense des droits de l’homme en fait partiellement infiltrée par le régime (Memorial), ont mis en cause la «nationalité inconnue» de Polina, son soutien aux terroristes tchétchènes, certains allant même jusqu’à avancer que la diariste était un personnage de fiction. La polémique a été relayée par les médias anglais, bien plus sensibles au récit de Polina. Fin 2011, Le Guardian a publié un portrait de la jeune femme ainsi que des extraits de son journal, et la BBC lui a consacré un beau reportage.