Le snobisme
Parution le 12 mars 2015
D’où vient que, lorsque Boris Vian chante « j’suis snob » en dégustant du camembert à la petite cuiller, ça nous fait sourire, alors que si l’on croisait un homme de cette espèce lors d’une soirée mondaine, on le mépriserait avec dédain ? Peut-être du fait que nous sommes tout aussi snob que lui…
Car le snobisme ne désigne pas un type d’individu, mais une manière de se comporter à l’égard d’autrui, en partant du principe que nos goûts sont supérieurs au sien. Ainsi, personne n’est plus snob que celui qui méprise les snobs.
Rien à voir avec la richesse ou l’éducation : si le snobisme réside dans le fait de vouloir se distinguer des autres, dans le fait de brandir sa singularité pour échapper à la masse, alors rien n’est plus naturel et nécessaire à la survie de l’homme dans une société démocratique. Le snobisme n’est pas un apparat cosmétique, ni une maladie incurable : seule la philosophie permet de penser le snobisme sans en faire ni l’éloge, ni la condamnation.
Adèle Van Reeth est productrice de l’émission quotidienne de philosophie « Les Nouveaux chemins de la connaissance » sur France Culture. Philosophe spécialiste de l’ordinaire et de cinéma, elle est également chroniqueuse pour l’émission “Le Cercle” sur Canal Plus Cinéma.
Raphaël Enthoven est normalien et agrégé de philosophie. Professeur, producteur de l’émission « Le Gai Savoir » sur France Culture, il présente l’émission « Philosophie » sur Arte. Il est notamment l’auteur chez Gallimard de L’Endroit du décor, Le philosophe de service et autres textes et Matière première, et chez Fayard, d’Un jeu d’enfant. Il a reçu en 2013 le Prix Femina essai pour le Dictionnaire amoureux de Marcel Proust, coécrit avec son père Jean-Paul Enthoven.