À travers l’analyse de cinq œuvres du Caravage, Olivier Wickers propose au contraire dans Perdre le jour de décrypter ce que provoquent chez nous aujourd’hui ces tableaux si singuliers.
On connaît beaucoup de choses de la biographie calamiteuse de Caravage : les tavernes, les rixes, le meurtre, les tableaux refusés et la mort en exil, au point que la vie du peintre est désormais passée devant l’œuvre : on ne regarde plus les tableaux qu’avec l’ombre projetée du personnage.
Au cours d’une série d’entretiens avec Tewfik Hakem dans l’émission Un autre jour est possible sur France Culture, Olivier Wickers s’est attaché à décrire la démarche artistique propre à Caravage : défigurer, blesser, par le trivial, le nu, la violence, comme s’il cherchait par-là à nous rendre à une réalité première, une origine perdue. Rassemblées dans cet ouvrage, les réflexions d’Olivier Wickers nous montrent à quel point toutes les figures et toutes les scènes représentées par Caravage visent en réalité à déranger le spectateur.
Perdre le jour, c’est ici bien plus que la seule lumière qui vient brutalement à manquer à la peinture du Caravage. En effet, au tournant des années 1600, à mi-parcours de son œuvre, Caravage plonge soudain ses images dans la nuit et les ombres. Des dix ans qui suivent, assombrie, crépusculaire, sa peinture ne renouera plus jamais avec les teintes claires de ses débuts.
Après deux essais remarqués sur l’écriture, Trois aventures extraordinaires de Jean-Paul Sartre (Gallimard col. L’un et l’autre, 2000) et Chambre de Proust (Flammarion, 2013), Olivier Wickers livre ici une enquête passionnante sur la langue que parle, sans mots, la peinture. Et si, à nous faire perdre notre contenance, nos certitudes, les mots ou la langue, si à perdre le jour, la peinture cherchait bien mieux à nous rendre quelque chose ?
Tewfik Hakem présente désormais tous les matins sur France Culture l’émission Paso Doble, le grand entretien de l’actualité culturelle.