William Karel a, tout au long de sa vie et de son travail sur ses films, rassemblé des documents, des lettres, des témoignages de la Shoah. Dans cette œuvre radiophonique inédite, il croise et confronte les récits et donne à entendre, à travers les mots de ceux qui l’ont vécu, ces terribles heures de l’Histoire : des lois de Nuremberg de 1935 à la fin de la guerre et la libération des camps en 1945.
France Culture est fière de proposer cette œuvre radiophonique exceptionnelle, constituée de textes réunis par William Karel, lus par Mathieu Amalric, Valérie Dreville, François Marthouret, et les comédiens Elsa Lepoivre et Denis Podalydès de la Comédie-Française.
“Il n’y a ni commentaire, ni témoin, ni historien. Uniquement les voix de comédiennes et comédiens lisant des textes, en les croisant, en les opposant – ceux des victimes et ceux des bourreaux : nombreux journaux intimes, billets jetés des trains par les déportés, lettres de prisonniers juifs, de sonderkommandos, de SS, circulaires ministérielles, notes de service des responsables d’Auschwitz, réclamations à propos de problèmes techniques, lettres de soldats allemands à leur famille, documents cachés par les survivants des ghettos, extraits de livres, coupures de presse de revues communautaires, lettres de Juifs à leurs familles à l’étranger, etc.” William Karel
“Lorsque William Karel m’a écrit parce qu’il souhaitait me parler d’un projet qu’il ne concevait, à ce moment, que pour la radio, j’ai senti, avant même d’en connaître tous les contours, que nous allions mettre en œuvre un projet qui ferait date. J’ai écouté ce grand cinéaste me raconter comment il avait retracé, patiemment, méticuleusement, fiévreusement aussi, fragment par fragment, cette histoire de la Shoah, collective et pourtant, ligne à ligne, à la première personne du singulier, pour constituer un immense récit, à vrai dire, inépuisable, un texte unique composé de milliers de bribes de textes, de toutes origines. William Karel avait entrepris de composer un récit possiblement infini, en ce sens qu’il ne connaîtrait pas de fin, à moins de parvenir à intégrer au corps du manuscrit toutes les traces que la mémoire et l’Histoire avaient semées sur le chemin de la catastrophe. En nous le confiant, il acceptait par là-même de lui donner un terme – au moins provisoire.
“La Diaspora des cendres”, qui emprunte son titre à un article important rédigé en 1981 par Nadine Fresco pour La Nouvelle Revue de psychanalyse, retrace le cours de l’Histoire dans toutes ses dimensions, sans commentaire, dans la vérité nue des traces écrites de l’époque. Par quel miracle du sens, cette œuvre en fragments s’entend-elle comme un texte unique ? Là est tout le travail de l’auteur de la composition, et de ses interprètes. Là est tout le pouvoir de la voix seule.
Il y a eu des films documentaires – dont ceux de William Karel, des films de fiction, des livres d’histoire et des romans, des témoignages, des articles et des poèmes. Sur l’Histoire de la Shoah, “La Diaspora des cendres” constitue un nouvel apport, provoquant un effroi et une émotion particulières. C’est à ce titre que cette œuvre sonore et radiophonique constitue un évènement dont je suis très fière que France Culture en soit la productrice pour les auditeurs d’aujourd’hui comme de demain.
Merci à William Karel de sa confiance et de sa présence à toutes les étapes du travail, à Fabienne Servan-Schreiber de nous avoir mis en contact, à Blandine Masson d’avoir orchestré la mise en œuvre du projet, à Sophie-Aude Picon, de l’avoir réalisé, aux comédiens de s’être relayés pour lire les fragments de manière si sobre et si juste de sorte de conserver au travail de composition de William Karel toute sa puissance. A Nadine Fresco, pour “La Diaspora des cendres”. Sandrine Treiner, directrice de France Culture
La Diaspora des cendres, une œuvre radiophonique de William Karel, réalisé par Sophie-Aude Picon.
Textes réunis par William Karel, conseiller artistique : Guillaume Poix, réalisation : Sophie-Aude Picon, prise de son, montage et mixage : Etienne Colin et Antoine Viossat, assistant à la réalisation : Pablo Valero.
Réalisé en partenariat avec LCP et Flach Film Production.
La Diaspora des cendres sera également un film documentaire, diffusé sur LCP.
William Karel
Note d’intention :
Entre 1992 et 2021, j’ai réalisé quinze films sur la Shoah, depuis “La Rafle du Vel d’Hiv” (avec Blanche Finger). J’ai rassemblé une grande quantité de documents dont seule une toute petite partie était utilisée. C’est en classant ces documents qu’il m’a semblé que l’on pouvait faire un « documentaire » uniquement avec cette matière, lequel a pris forme pour la radio d’une part et pour la télévision d’autre part.
Biographie :
Après avoir travaillé pendant une dizaine d’années en tant que reporter-photographe pour des agences de presse, William Karel réalise des films documentaires depuis 1988. Il est notamment l’auteur de documentaires consacrés à de grandes figures de la politique française, ce qui lui a permis de devenir un spécialiste des affaires d’état et de poursuivre ses investigations jusqu’aux Etats-Unis.
Le documentariste a aussi réalisé des portraits d’écrivains : Albert Cohen, Primo Levi, entre autres. Il reçoit en 2003 le prix Europa pour l’ensemble de son œuvre. Il a par la suite collaboré avec Blanche Finger pour réaliser Albums d’Auschwitz (2011), Israël-Palestine, une terre deux fois promise (2017) et la série documentaire Jusqu’au dernier : La destruction des Juifs d’Europe (2014).
Crédit image : William Karel